Du cœur financier de Londres à la cathédrale de Montréal

de François Gloutnay
Posted Mar 5, 2018

Le doyen et recteur Bertrand Olivier. (Présence/François Gloutnay)

Depuis le 8 février, la cathédrale Christ Church de Montréal a un nouveau recteur et le diocèse anglican de Montréal a un nouveau doyen. Le prêtre, dont la candidature a été acceptée au terme d’un long processus de sélection, est arrivé à Montréal deux jours plus tôt. Il n’aura pris que quelques heures pour faire ses bagages car le dimanche 4 février, il célébrait la messe pour la dernière fois à All Hallows by the Tower, la plus vieille église de Londres, une paroisse qu’il animait depuis treize ans.

Celui qui remplacera John Paul Kennington, doyen et recteur depuis 2011 qui a décidé en 2016 de retourner en Angleterre pour des raisons familiales, est donc un Londonien.

Un Londonien d’adoption plutôt. Car Bertrand Olivier, 55 ans, le nouveau doyen du diocèse anglican de Montréal, est né en France, à Dunkerque, a grandi dans une famille catholique et a étudié dans un collège tenu par les maristes.

Anglophile dès son jeune âge, il passait ses étés en Angleterre. En 1986, le jeune professionnel s’est installé à Londres où il travaillait en relations publiques avant de créer sa propre boîte de communications. Dix ans plus tard, Bertrand Olivier était ordonné diacre de l’Église d’Angleterre, puis prêtre en 1997.

Organiste dans une paroisse anglicane

«À 18 ans, la religion, ce n’était pas mon intérêt le plus grand», concède le nouveau recteur, assis dans un banc de la cathédrale Christ Church de Montréal. «Et mon but n’était pas de devenir anglican. Mais ce qui m’a toujours retenu dans l’Église, c’est que je voulais jouer de l’orgue.» À Londres, il devint organiste dans une paroisse anglicane.

«C’est ainsi que j’ai mis le doigt dans l’anglicanisme. Dieu a le sens de l’humour», dit-il.

«J’ai trouvé dans la communauté où j’étais organiste quelque chose qui me rappelait d’où je venais. Cela a été une continuation dans mon cheminement. Mais je ne me doutais pas que j’allais recevoir un appel vocationnel. C’est arrivé dans une cathédrale au nord de Londres. J’ai reçu cet appel qui a bouleversé ma vie», dit-il, levant les yeux vers le ciel.

Il entreprit des études en théologie tout en continuant son emploi, qu’il quittera sans regret. Son diocèse lui confia une première paroisse située dans un quartier défavorisé de Londres. Trois ans plus tard, il s’occupait d’une paroisse qui compte beaucoup de professionnels et de jeunes familles.

Puis ce fut All Hallows by the Tower, l’église aux cotés de la tour de Londres, là où ont été décapités en 1535 Thomas More et John Fischer, tous deux canonisés 400 ans plus tard par le pape Pie XI. C’est une paroisse sans résidents, mais grouillante de monde durant la semaine. On y anime une pastorale pour les gens qui viennent travailler dans la City, le cœur financier de Londres.

Un nouveau défi

«Tout allait très bien à All Hallows by the Tower. J’aurais pu y demeurer jusqu’à la retraite. Mais cela ne me satisfaisait plus.»

C’est dans sa personnalité, reconnaît-il. «Je n’aime pas quand la vie devient trop confortable. Dieu m’appelle à faire des choses qui me mettent au défi, qui me permettent de grandir et de faire fructifier mes talents que je mets au service de tous. Je n’aime pas trop ronronner.»

Et surtout, dit-il, «je voulais réexplorer ma foi… en français».

Il connaissait déjà le précédent recteur et doyen John Paul Kennington. «On a été ordonnés dans le même diocèse. Je savais qu’il était ici et que c’était un job dont il parlait avec beaucoup d’affection.» Mais Montréal n’est pas sur son radar.

Jusqu’au moment où «la petite annonce est apparue sur mon écran». Deux fois plutôt qu’une, durant la même semaine. «Il faut que j’explore cette possibilité», s’est alors dit le vicaire de All Hallows by the Tower, dont la photographie est toujours affichée à la une du site paroissial.

«J’avais envie d’une expérience nord-américaine et d’une Église qui n’est pas majoritaire, qui n’est pas une Église d’État, si on peut dire. Je voulais vivre un ministère d’une manière différente. Je voulais parler français mais je ne voulais pas rentrer en France et perdre mon anglais.»

Au terme de deux longues conservations en ligne puis d’un weekend d’entrevue à Montréal avec le comité de sélection, la candidature du révérend Bertrand Olivier fut acceptée. «Venir à Montréal, c’est un projet qui me permet de faire une intégration d’éléments différents de ma vie et de redécouvrir ma personnalité francophone», se réjouit-il.

L’histoire

Il quitte toutefois une église historique – All Hallows by the Tower a été fondée en l’an 675! – pour une cathédrale, certes, mais âgée de seulement 160 ans.

«Beaucoup de gens sont éblouis par les églises historiques. L’histoire, c’est important, cela attire des visiteurs», reconnaît-il. «Mais ces visiteurs, ce ne sont pas forcément des gens qui viennent redécouvrir leur foi ou qui veulent la vivre. La vraie histoire, c’est celle de Jésus, une histoire qui dure depuis plus longtemps que les églises.»

«Les bâtiments sont là pour nous aider à nous rassembler, à prier», ajoute le 23e recteur de la cathédrale anglicane de Montréal. «Ce sont des tremplins. Ce qui m’intéresse, c’est de pouvoir parler de Dieu et de Jésus avec tous ceux que je rencontre. Et j’espère, de temps en temps, pouvoir transformer une vie. C’est cela qui m’importe aujourd’hui.»

Œcuménisme

Son arrivée étant toute récente, le révérend Bertrand Olivier n’a pas encore rencontré des représentants d’autres Églises chrétiennes de Montréal. Mais il souhaite tisser des liens œcuméniques car il estime que «les Églises sont toujours plus fidèles à la parole du Christ lorsqu’elles travaillent ensemble».

«Dans un monde très sécularisé, il faut rechercher ce qui nous unit, pas ce qui nous sépare», affirme le nouveau recteur.

Le nouveau doyen indique qu’il est «marié avec a same sex partner» – une des rares expressions anglaises qu’il ait utilisé durant cette entrevue qui a duré trente minutes. «Paul – c’est le prénom de son conjoint – viendra me rejoindre mais il est toujours à Londres». Il compte bien participer au débat sur le mariage entre conjoints de même sexe dans l’Église anglicane du Canada. Le diocèse de Montréal, où il œuvrera dorénavant, permet le mariage homosexuel depuis l’an dernier, même si l’Église nationale ne doit officiellement se prononcer qu’en 2019 sur cette question qui divise les diocèses canadiens.

La cérémonie d’installation du nouveau recteur et doyen aura lieu le dimanche 11 mars à la cathédrale Christ Church de Montréal. Elle débutera à 16 h.


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