Le collège épiscopal d’Haïti prépare les élèves à l’agriculture et à l’agro-industrie.

Le plan quinquennal vise à revitaliser l’école et à traiter de la sécurité alimentaire et économique

de Lynette Wilson
Posted Apr 12, 2016
Un jour de février, un employé arrosait les semis dans la serre du Centre d’agriculture St-Barnabas à Terrier-Rouge en Haïti. Situé dans le Nord du pays dans la plaine côtière, l’école de près de 200 hectares est à 2 km de l’Océan atlantique. Photo : Lynette Wilson/Episcopal News Service

Un jour de février, un employé arrosait les semis dans la serre du Centre d’agriculture St-Barnabas à Terrier-Rouge en Haïti. Situé dans le Nord du pays dans la plaine côtière, l’école de près de 200 hectares est à 2 km de l’Océan atlantique. Photo : Lynette Wilson/Episcopal News Service

[Episcopal News Service –Terrier-Rouge, Haïti] Récemment, un matin de février, un jeune Haïtien perché sur son tracteur John Deere labourait les champs pour les préparer aux premiers semis de l’année au Centre d’agriculture St-Barnabas, collège épiscopal situé sur près de 200 hectares de plaines côtières fertiles au Nord d’Haïti.

Pendant que le tracteur retournait le sol d’argile foncée, le préparant pour les semis, deux jeunes hommes travaillaient à la réparation d’une fissure dans le réservoir à eau en ciment, deux autres arrachaient les mauvaises herbes d’un champ de carottes et deux autres encore se servaient d’arrosoirs en plastique bleu et vert pour arroser à la main les betteraves, les carottes et les légumes feuilles verts qui poussaient sur les terrains test et les semis qui prenaient vie dans la serre. Un autre jeune homme conduisait le bétail vers l’arrière de la propriété alors que d’autres continuaient à défricher plus de terrains pour le tracteur et des plantations futures.

Pendant ce temps, des élèves vêtus d’un polo identique avec écrit au dos en grosses lettres capitales « CASB », correspondant au « Centre d’agriculture St-Barnabas », étudiaient dans la salle de classe.

Les premiers signes d’une vie abondante suite à une période de difficultés financières et de sécheresse étaient visibles partout ; c’est une subvention de 100 000 dollars reçue en 2014 du Diocèse épiscopal de Long Island qui a aidé St-Barnabas à démarrer sa revitalisation.

Étienne Saint-Ange, coordonnateur des opérations sur le terrain, parle avec des ouvriers qui désherbent les carottes dans le terrain test, où des plantes sont testées afin d’évaluer leur viabilité. Toutes les cultures de l’école sont biologiques. Photo : Lynette Wilson/Episcopal News Service

Étienne Saint-Ange, coordonnateur des opérations sur le terrain, parle avec des ouvriers qui désherbent les carottes dans le terrain test, où des plantes sont testées afin d’évaluer leur viabilité. Toutes les cultures de l’école sont biologiques. Photo : Lynette Wilson/Episcopal News Service

« St-Barnabas a été créé au nom de Dieu et c’est au même nom de Dieu que St-Barnabas va revivre » déclare Étienne Saint-Ange, coordonnateur des opérations sur le terrain, en créole par l’intermédiaire d’un interprète.

Pendant une décennie, le Centre d’agriculture St-Barnabas a fonctionné sans soutien financier, poursuivant néanmoins sa mission de formation de techniciens agricoles. La moitié de la population travaille dans l’agriculture mais une majorité de Haïtiens n’ont pas assez à manger et 30 % de tous les enfants souffrent de malnutrition. C’est Étienne Saint-Ange et d’autres membres dévoués du personnel qui ont continué à faire fonctionner l’école, vivant des produits cultivés dans ses champs.

« Ce sont les dirigeants du collège qui l’ont maintenu en activité de 2005 à 2014 » confie Dan Tootle, missionnaire bénévole de l’Église épiscopale qui sert de chef de programme de St-Barnabas. En décembre 2015, le corps enseignant a reçu sept mois de rappel de salaires, soit une petite somme sur les 140 000 dollars qui leur sont dus. « Cela ne va pas constituer un véritable obstacle car les gens qui ont réussi à maintenir ce lieu en vie reprennent maintenant espoir » ajoute Dan Tootle.

Dan Tootle, missionnaire bénévole de l’Église épiscopale, travaille sans relâche sur le projet de revitalisation de St-Barnabas qui est destiné à faire du collège agricole un centre régional d’agriculture et de développement économique. Photo : Lynette Wilson/Episcopal News Service

Dan Tootle, missionnaire bénévole de l’Église épiscopale, travaille sans relâche sur le projet de revitalisation de St-Barnabas qui est destiné à faire du collège agricole un centre régional d’agriculture et de développement économique. Photo : Lynette Wilson/Episcopal News Service

Dan Tootle, missionnaire de 74 ans, qui est en Haïti depuis 1999, année où la paroisse St. Martin’s-in-the-Field de Severna Park, dans le Maryland, l’a parrainé. Il est devenu missionnaire bénévole nommé par l’Église épiscopale en 2013 et depuis lors concentre ses efforts sur St-Barnabas, où il travaille au projet quinquennal de revitalisation de 11,7 millions de dollars qui va moderniser le collège et le transformer en un centre régional d’agriculture et de développement économique. Il emploiera également plus de 180 personnes.

« Nous avons étudié de près le collège pour déterminer les mesures à prendre pour revitaliser cette institution  » poursuit Dan Tootle, tout en faisant défiler le plan directeur global de 35 pages, version réduite de l’étude complète de 76 pages. « Il ne s’agissait pas simplement de le remettre en état pour faire ce qu’il faisait dans le passé mais de le faire progresser vers ce qui est nécessaire au 21ème siècle, au-delà des simples fins agricoles traditionnelles en Haïti ».

À terme, le collège devra être autonome et capable d’apporter de l’aide à d’autres institutions diocésaines.

Aujourd’hui dans sa cinquième itération, après avoir recueilli les réactions des personnes intéressés au niveau régional et effectué la dotation de tout le personnel, la première phase de 2,5 ans comporte la construction de nouvelles installations d’enseignement et la préparation de terrains avec drainage et accès adéquats ainsi que d’autres travaux de base. La seconde phase d’1,5 an comporte l’infrastructure nécessaire pour l’élevage et la transformation des animaux ainsi que la création d’un centre régional de soutien agricole. La troisième et dernière phase comporte la construction d’un dortoir pour 250 élèves internes ainsi que du reste des bâtiments administratifs et de soutien. D’autres projets consistent à établir un partenariat avec FreshMinistries concernant l’aquaponie, à créer des vergers et à cultiver des plantes comme le sisal spécialement pour la vente aux transformateurs.

Georges Gabriel Étienne, qui enseigne la botanique et les cultures maraîchères, conduit ses élèves pour une leçon en extérieur sur le terrain test. Photo : Lynette Wilson/Episcopal News Service

Georges Gabriel Étienne, qui enseigne la botanique et les cultures maraîchères, conduit ses élèves pour une leçon en extérieur sur le terrain test. Photo : Lynette Wilson/Episcopal News Service

La formation que reçoivent les élèves à St-Barnabas est équivalente à celle que reçoivent les élèves dans un « community college » aux États-Unis, nous dit Dan Tootle, ajoutant qu’il les prépare pour entrer directement dans l’agro-industrie et les exploitations agricoles. À mesure de l’évolution du programme d’études, ajoute-t-il, les élèves seront encouragés à se diriger vers l’entreprenariat et des ressources leur seront données pour les aider à y parvenir.

Établi en 1984 en tant que partenariat entre le Diocèse épiscopal d’Haïti et l’Église presbytérienne des États-Unis, St-Barnabas a acquis une réputation d’excellence en matière d’éducation au niveau national avec une remise de diplôme à quelque 30 promotions au fil des années.

« Des jeunes provenant de tout le pays viennent ici pour y recevoir la formation de techniciens agricoles » déclare Yves Mary Étienne, l’économiste et diplômé de St-Barnabas qui a rejoint le corps enseignant dans les toutes premières années et y est resté.

 L’économiste Yves Mary Étienne, arrache du pak-choï du terrain test et le donne à une femme de la communauté pour qu’elle le vendre sur le marché local. Photo : Lynette Wilson/Episcopal News Service

L’économiste Yves Mary Étienne, arrache du pak-choï du terrain test et le donne à une femme de la communauté pour qu’elle le vendre sur le marché local. Photo : Lynette Wilson/Episcopal News Service

« St-Barnabas a été créé pour assurer une meilleure formation aux agriculteurs qui n’avaient pas les moyens d’aller à l’école »  poursuit Étienne en créole par l’intermédiaire d’un interprète, ajoutant que les élèves repartent habituellement chez eux et partagent ce qu’ils ont appris au profit de la communauté. « St-Barnabas n’est pas seulement pour le Nord et le Nord-Est, il éduque des élèves du pays tout entier ».

Les diplômés de St-Barnabas ont également acquis la réputation d’être bien préparés.

En Haïti, il est important que les demandeurs d’emploi aient des références, nous confie Merlotte Pierre, qui est secrétaire et professeur de grammaire française depuis 1997 à St-Barnabas. Un certificat de St-Barnabas est souvent autosuffisant, ajoute-t-elle, également en créole par le biais d’un interprète.

Merlotte Pierre enseigne la grammaire française aux élèves qui étudient au Centre d’agriculture St-Barnabas et travaille à la fois comme secrétaire et enseignant de français au collège. Photo : Lynette Wilson/Episcopal News Service

Merlotte Pierre enseigne la grammaire française aux élèves qui étudient au Centre d’agriculture St-Barnabas et travaille à la fois comme secrétaire et enseignant de français au collège. Photo : Lynette Wilson/Episcopal News Service

Pour des élèves comme Jonas Bien-Aimé, 22 ans, qui veut devenir expert agricole et Jouveline Pericles, 21 ans, dont la matière préférée est la conservation des sols et qui un jour aimerait travailler pour une organisation non gouvernementale, St-Barnabas apporte la formation, l’éducation et les compétences nécessaires pour accéder à ces emplois. Les élèves de St-Barnabas apprennent les pratiques agricoles durables ; toutes les cultures sont cultivées biologiquement, fertilisées avec du compost plutôt qu’avec des engrais chimiques et la conservation de l’eau et des sols est une priorité absolue.

St-Barnabas est l’une des deux écoles professionnelles de la région Nord d’Haïti qui appartiennent au Diocèse épiscopal d’Haïti – l’autre est l’Esprit-Saint à Cap-Haïtien qui forme des élèves à des emplois de plombiers, électriciens et mécaniciens. À travers le diocèse, qui a le plus grand nombre de fidèles de l’Église épiscopale, l’accent est mis sur l’éducation. Le Diocèse d’Haïti gère plus de 250 écoles primaires et secondaires dans tout le pays qui n’est pas encore entièrement remis du tremblement de terre de force 7 qui a dévasté le pays, tuant des centaines de milliers et déplaçant plus de 1,5 million d’habitants en 2010.

Eliza Brinkley, missionnaire du Young Adult Service Corps du diocèse de Caroline du Nord, enseigne l’anglais aux élèves du Centre d’agriculture St-Barnabas. Outre l’agriculture et les techniques agricoles, les élèves étudient l’anglais, le français, l’économie et d’autres matières d’enseignement général.

Eliza Brinkley, missionnaire du Young Adult Service Corps du diocèse de Caroline du Nord, enseigne l’anglais aux élèves du Centre d’agriculture St-Barnabas. Outre l’agriculture et les techniques agricoles, les élèves étudient l’anglais, le français, l’économie et d’autres matières d’enseignement général.

Après le séisme, des gouvernements et des organismes humanitaires internationaux ont promis des milliards de dollars d’aide pour la reconstruction de ce pays des Caraïbes, longtemps considéré comme le plus pauvre de l’hémisphère occidental. Plus de cinq ans après, bon nombre des ONG sont parties et Haïti demeure l’un des pays les plus pauvres au monde. L’Église épiscopale, quant à elle, a maintenu le cap et s’est engagée à reconstruire les institutions diocésaines détruites près de l’épicentre du tremblement de terre proche de la capitale Port-Au-Prince, au Sud. Le Bureau de développement de l’Église épiscopale dirige l’effort de reconstruction.

« Parallèlement à la reconstruction de la Cathédrale de la Sainte-Trinité et de l’École Saint-Vincent pour les handicapés, St-Barnabas est une priorité pour le Bureau de développement car son existence viendra renforcer et soutenir la mission et le ministère du diocèse » déclare Tara Elgin Holley, directeur du développement de l’Église épiscopale.

« En outre, la revitalisation du collège et des 200 hectares sur lesquels il est bâti traite directement de la Cinquième marque de la mission qui est  de « s’efforcer de préserver l’intégrité de la création et de maintenir et renouveler la vie de la terre ».

Bien que la moitié des 10 millions d’habitants du pays exercent une activité agricole, Haïti importe la moitié de sa nourriture, pour une grande partie de son voisin, la République Dominicaine.

« Cultiver des centaines d’hectares de cultures qui peuvent être récoltées et vendues localement est une perspective enthousiasmante, pas simplement pour les élèves de St-Barnabas mais pour la région, » ajoute Tara Holley. « Apprendre aux jeunes provenant de tout le pays à être des techniciens agricoles et des propriétaires de petites entreprises aidera à créer un avenir meilleur pour beaucoup de gens. Et le revenu de la vente des récoltes permettra au collège de soutenir son propre budget opérationnel et de rendre durable son existence continue ».

L’élan donné pour la revitalisation de St-Barnabas « était présent mais dormant depuis un certain temps » nous dit Dan Tootle.

Le Centre d’agriculture St-Barnabas est situé sur une grande ligne de faille. L’école a construit des salles de classe et des bâtiments administratifs provisoires car le bâtiment d’origine risque de s’effondrer si un événement sismique venait à se produire. Photo : Lynette Wilson/Episcopal News Service

Le Centre d’agriculture St-Barnabas est situé sur une grande ligne de faille. L’école a construit des salles de classe et des bâtiments administratifs provisoires car le bâtiment d’origine risque de s’effondrer si un événement sismique venait à se produire. Photo : Lynette Wilson/Episcopal News Service

En 2014, deux choses clés se sont produites, explique-t-il : Le Comité permanent du Diocèse a pris le contrôle direct de la revitalisation de St-Barnabas, y appliquant de bons principes de gouvernance. Et le Diocèse de Long Island a fait à St-Barnabas un don de 100 000 dollars sans restriction, ce qui a permis au collège de faire les mises à niveau immédiates, comme de construire des bâtiments provisoires, d’acheter des semences et du compost, d’effectuer la maintenance des puits et de relier St-Barnabas au réseau électrique du village Caracol.

Le don du Diocèse de Long Island faisait partie d’une dîme, confie l’Évêque Larry Provenzano.

Le diocèse avait vendu un bien de l’église au centre ville de Brooklyn et, avant d’en investir le produit, a effectué plus de 2 millions de subventions à des ministères nationaux et internationaux.

« Nous avons une grande population haïtienne dans le diocèse et nous avions entendu parlé des travaux effectués en Haïti » poursuit l’Évêque Provenzano, en ajoutant que l’appui donné à St-Barnabas était une décision facile qui s’accordait bien avec l’engagement du diocèse envers une  « théologie écologique ».

En sus de l’appui apporté par le diocèse de Long Island, St-Barnabas a reçu l’appui d’autres organismes, notamment du Consortium of Endowed Episcopal Parishes, du Diocèse de New York et du Diocèse de Californie. Avec l’appui de l’Évêque de Californie Marc Andrus, le missionnaire bénévole pour Haïti Davidson Bidwell-Waite et son mari Edwin Bidwell-Waite ont dirigé l’initiative de levée de fonds pour des bourses d’étude et en avril, ils enverront un groupe d’élèves à St-Barnabas pour aider à planter.

Outre l’appui de Long Island, St-Barnabas a reçu le soutien d’autres organismes, notamment du Diocèse de Californie, qui en sus de son appui financier et de sa levée de fonds pour des bourses d’étude, enverra un groupe d’étudiants à St-Barnabas en avril pour aider à planter.

Tout en continuant sur la voie de la revitalisation, le corps enseignant et les élèves de St-Barnabas cherchent à créer des partenariats avec des personnes individuelles, des paroisses et des diocèses qui seraient intéressés par la gestion de l’environnement et le développement durable ainsi que par le jardinage, l’agriculture, l’élevage animal et l’apiculture, ajoute Tara Holley. « Les partenariats sont ce qui aidera St-Barnabas à se développer et à prospérer… en tant qu’établissement d’enseignement et de centre régional de ressources pour les technologies agricoles ».

Pour de plus amples informations sur la manière dont vous, votre paroisse ou votre diocèse pouvez y participer, veuillez cliquer ici.

– Lynette Wilson est rédacteur et journaliste de l’Episcopal News Service.  


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